Agissez localement : Donnez un coup de pouce à la nature en prévenant l’érosion dans votre communauté

L’érosion se produit lorsque le vent et l’eau désagrègent et déplacent les minéraux, les roches et les sols. Il s’agit normalement d’un processus lent et naturel, mais certains facteurs – tels que les activités humaines et les phénomènes météorologiques extrêmes liés au climat – peuvent l’accélérer. Cette situation peut endommager les écosystèmes sensibles, freiner la croissance des plantes et contribuer au déplacement d’espèces.

La Redd Fish Restoration Society travaille à contrer l’érosion depuis bientôt trois décennies. L’organisme – l’un des six récipiendaires du Programme de subvention nature et climat du WWF-Canada, présenté par Aviva Canada – travaille en étroite collaboration avec les Premières Nations de la région pour restaurer les habitats dégradés près de Tofino, en C.-B., à l’extrémité nord-ouest de l’ile de Vancouver. L’exploitation forestière intensive au 20e siècle a dépouillé plusieurs montagnes de la région d’arbres et d’arbustes. Cette situation a entrainé des centaines de glissements de terrain qui ont endommagé l’intégrité du sol, les habitats et les cours d’eau, y compris les frayères de cinq espèces de saumon en péril.

Three people survey erosion damage on a mountain slope in B.C.
Le personnel de la Redd Fish Restoration Society évalue les dégâts causés par l’érosion sur le versant d’une montagne dans le bassin versant hišqʷiʔatḥ (Hesquiaht) près de Tofino, en C.-B. © Jeremy Koreski

Redd Fish utilise des solutions climatiques basées sur la nature pour restaurer la santé de ces bassins versants essentiels, une pente érodée à la fois. Nous avons discuté avec Jessica Hutchison, directrice générale de Redd Fish et écologiste, et Mandala Smulders, directrice des opérations, afin de comprendre pourquoi il est important de prévenir l’érosion, comment le faire dans le respect de la nature et quelles actions vous pouvez prendre pour maintenir la stabilité des berges dans votre région.

Comment l’érosion a-t-elle une incidence sur les habitats que vous aidez?

JH : Nous travaillons sur des flancs de montagne escarpés, où d’importants glissements de terrain de 300 mètres sur deux kilomètres se sont produits. L’ampleur de l’érosion dans ces bassins versants est très importante.

A massive landslide on a mountain in the hišqʷiʔatḥ (Hesquiaht) watershed near Tofino, B.C.
Un important glissement de terrain, sur une montagne dans le bassin versant hišqʷiʔatḥ (Hesquiaht) près de Tofino, C.-B. Sans végétation indigène, ces pentes dégradées accélèrent les inondations et compromettent les habitats d’espèces autant terrestres que vivant dans les cours d’eau adjacents. © Jeremy Koreski

Dans les années 1950, les bucherons se sont d’abord attaqués au fond des vallées de ces bassins versants parce que les plus gros arbres se trouvaient le long des corridors à saumons. À la fin des années 1970, ils avaient abattu la quasi-totalité des arbres dans les vallées fluviales, alors dans les années 1980, ils se sont installés dans ce haut bassin versant escarpé, où l’abattage n’aurait jamais dû avoir lieu. Dans les années 1990, la pluie abondante et les évènements météorologiques très intenses causés par un climat changeant ont entrainé un grand nombre de glissements de terrain. Notre organisme est né à cette époque, parce que les gens voyaient une dégradation immédiate.

Aujourd’hui, dans le bassin versant hišqʷiʔatḥ (Hesquiaht) uniquement, nous travaillons à la restauration de plus de 420 glissements de terrain, dont 97 % ont été causés par les opérations de foresterie et de construction de routes. Dans le bassin Hiłsyaqƛis (Tranquil) – une très grande rivière – les berges ont perdu de leur intégrité et de leur stabilité en raison de l’abattage de gros arbres dans le cadre de l’exploitation forestière. Sans forêts anciennes, elles sont très sensibles à l’érosion.

Dans ces deux environnements extrêmes, nous travaillons avec la nature pour aider à atténuer l’érosion. Nous utilisons les plantes et la végétation pour stabiliser les sols. L’objectif est de prévenir les glissements de terrain et l’érosion des berges à l’avenir ou, dans certains cas, d’atténuer la vitesse à laquelle ils se produisent.

Selon vous, quelles sont les méthodes les plus efficaces pour prévenir l’érosion?

JH : Pour stabiliser un glissement de terrain ou empêcher l’érosion des berges le long d’une rivière, vous pouvez déployer des techniques très imposantes, en utilisant du béton, des barres d’armature, des perrés ou de gros rochers. Mais vous pouvez également utiliser des solutions basées sur la nature; les racines et les plantes ont une capacité étonnante à s’accrocher au sol. Lorsque des gouttes de pluie tombent sur un sol nu, elles provoquent l’érosion [mais] une plante peut dissiper l’énergie de ces gouttes et absorber une partie de l’eau.

Ici, sur la côte ouest, nous vivons dans une région très, très, très, très, très humide. Nous recevons beaucoup de précipitations et les pluies peuvent être très intenses en raison des dérèglements climatiques. Donc la fréquence et l’intensité de ces grands évènements de rivières atmosphériques augmentent. Il est plus important que jamais d’utiliser des solutions basées sur la nature et de rétablir la biodiversité et la couverture végétale sur les sols perturbés.

Incroyable! Pouvez-vous nous dire en quoi cela est bénéfique pour la biodiversité?

JH : Comme vous pouvez l’imaginer, le sol nu offre un habitat limité pour un nombre limité d’espèces. En restaurant une diversité de plantes et d’arbres indigènes dans les bassins versants, nous augmentons les niches écologiques et la diversité des habitats disponibles pour différentes espèces. Cela rétablit non seulement la stabilité et la résilience de ces écosystèmes, mais aussi la richesse et la diversité qui y existaient historiquement.

Les avantages comprennent également la séquestration du carbone et les effets de refroidissement de la rivière. Il est en fait difficile de quantifier tous les avantages de la restauration des plantes dans un écosystème qui les abritait traditionnellement tellement ils sont nombreux!

Two women holding plants. Redd Fish Restoration Society’s Mandala Smulders (Director of Operations) and Jessica Hutchinson (Executive Director and Ecologist)
Mandala Smulders (directrice des opérations) et Jessica Hutchinson (directrice générale et écologiste) de la Redd Fish Restoration Society, sur un des sites de projet près de Tofino, en C.-B. © Ross Reid

Vous travaillez sur de très grands projets, mais l’érosion se produit également à une échelle beaucoup plus petite – sur les pentes d’un ravin urbain, par exemple, ou sur les bords d’un ruisseau ou les berges d’un étang. Les solutions basées sur la nature peuvent-elles prévenir l’érosion dans ce genre de situations?

MS : Les principes de base de ce que nous faisons s’appliquent partout. Je vous recommande vraiment de passer du temps dans un parc national ou provincial ou une aire de conservation de votre région – pour observer ce qui pousse dans le sous-étage, ou les caractéristiques du couvert forestier.

JH : Une grande partie du travail de restauration commence par la volonté de comprendre et de surveiller l’écosystème qui vous préoccupe. Recherchez les zones où les plantes s’épanouissent.

MS : Et avant d’entreprendre toute action, il est très important de consulter des professionnel.le.s – des biologistes, des agences gouvernementales ou des organismes à but non lucratif de conservation de votre région – au sujet des espèces de plantes qui survivront dans votre écosystème. Par exemple, nous plantons des saules sur plusieurs de nos pentes parce qu’ils poussent rapidement et étendent leurs racines très loin dans le sol. Cela fonctionne dans nos environnements, mais vous ne voudriez pas utiliser des saules, par exemple, près d’un petit ruisseau dans votre cour, car ils prendraient tout simplement le dessus.

JH : Je recommande l’achat d’un guide des plantes pour votre région afin de vous instruire sur les plantes présentes, et ce qui poussait autrefois.

Pourquoi est-ce important d’effectuer ce travail d’apprentissage?

MS : Cela peut vous aider à déterminer votre objectif. Avez-vous des problèmes d’érosion excessive que vous voulez ralentir? Si c’est le cas, vous voudrez peut-être cultiver une plante à croissance rapide, qui aime les sols peu compacts, afin qu’elle puisse se développer et soutenir les berges. Ou bien la berge est-elle déjà assez stable? Si c’est le cas, vous pouvez la revégétaliser pour vous assurer qu’elle restera stable.

JH : Ce sont vos propres apprentissages au sujet des écosystèmes qui vous aideront le plus à long terme. Se lancer immédiatement dans la plantation d’arbres, de marguerites ou autres n’est peut-être pas la meilleure approche. Il s’agit d’abord de comprendre et d’apprendre, et de trouver ensuite les meilleurs moyens d’intervenir pour aider l’écosystème à accélérer son rétablissement.

Two people planting plants on a steep slope in BC.
Redd Fish Restoration Society staff plant native trees to prevent erosion on a degraded slope near Tofino, B.C. These plants also enhance the habitats of species at risk and capture carbon in their roots. © Jeremy Koreski

Quel est le meilleur conseil que vous pouvez offrir aux personnes qui souhaitent combattre l’érosion sur leur propre propriété?

MS : N’oubliez pas qu’il s’agit d’un processus continu et que l’ajout de différentes espèces de plantes doit se faire sur quelques années. Vous pouvez commencer par des saules pour stabiliser le sol, puis ajouter des conifères et enfin ensemencer avec d’autres espèces.

JH : L’intendance est un processus sans fin. Il s’agit d’établir un lien avec un endroit que vous aimez – qu’il s’agisse d’une rivière, d’un petit bout de gazon, d’une petite forêt ou d’un sentier – et de vous engager à en prendre soin. Peut-être que ces actions consisteront à ramasser des déchets. Ou à semer des herbes indigènes chaque année. Ou encore à installer un panneau conseillant aux gens de ne pas s’éloigner d’un sentier près de la pente d’un ravin qui s’érode. Quelle que soit l’approche, il s’agit de prendre soin de l’endroit en continu. Puisque des dommages se produisent constamment, nous devons faire preuve de beaucoup d’amour si nous voulons que les écosystèmes fonctionnent.

Agissez localement est une série d’articles de blogue sur les façons d’appliquer chez vous, à l’échelle locale, les solutions climatiques basées sur la nature utilisées par les récipiendaires de notre Programme de subvention nature et climat.

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