Après les feux : voici comment la technologie peut contribuer à une reforestation réussie

Alors que le Canada connait la pire saison de feux de forêt de son histoire documentée, il est temps de réévaluer la façon dont nous gérons la restauration des écosystèmes forestiers. Dans le cadre de la récente conférence Collision à Toronto, Megan Leslie, présidente-directrice générale du WWF-Canada, a prononcé un discours sur la façon dont la conservation menée par les Autochtones et la technologie peuvent contribuer à renforcer la résilience face aux dérèglements climatiques.

Woman stands on stage that says Collision in the background
Megan Leslie, présidente-directrice générale du WWF-Canada, lors d’un discours à la conférence Collision, à Toronto © WWF-Canada

« Je suis quelqu’un d’incroyablement optimiste, mais dernièrement, j’ai beaucoup de difficulté à m’accrocher à ce trait de caractère. Pendant que les feux de forêt ravagent le Canada, nous observons les arbres et la végétation disparaitre sous nos yeux. Ces arbres et cette végétation constituent un habitat important pour les espèces et stockent des quantités considérables de carbone dans leurs racines, leurs tiges et leurs sols.

Et tout cela part littéralement en fumée.

Pourquoi cela arrive-t-il?

Bien sûr, nous savons que les feux de forêt peuvent être un élément naturel de l’activité des écosystèmes, mais permettez-moi de vous assurer que la fréquence et la gravité de ces feux n’ont rien de naturel.

Les forêts sont plus vulnérables aux incendies qu’auparavant. Et tout est relié. Les dérèglements climatiques ont modifié les cycles de pluviosité et créé des conditions plus chaudes et plus sèches dans certaines régions. Les hivers plus doux permettent à de nouveaux insectes envahissants de se propager, ce qui crée de vastes étendues d’arbres morts qui agissent comme du bois d’allumage pour les feux de forêt. Les humains ont également affaibli la résilience des forêts aux incendies en raison de leur gestion par le rendement.

Ce qui manque dans ce décor, ce sont toutes les autres plantes : le sous-étage, les fleurs sauvages et les arbustes, et la diversité des espèces. Ce ne sont pas de véritables forêts. Les forêts sont des écosystèmes riches, désordonnés, complexes et florissants.

Nous pouvons rarement dire que les arbres cachent la forêt parce que les arbres sont tout ce que nous avons planté. La résilience, les espèces et les dérèglements climatiques ne sont pas pris en compte.

Nous pouvons faire mieux.

Nous devons faire mieux.

Discutons donc de ce que nous pouvons faire pour nous relever de ces terribles feux, mais aussi pour éviter que des incendies de cette ampleur ne se reproduisent – parce qu’il est possible de faire les deux en même temps!

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Voici pourquoi la restauration menée par les Autochtones après des feux de forêt fonctionne 

Reboiser Elephant Hill

Tout d’abord, nous devons absolument faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre les dérèglements climatiques et éviter les pires conséquences. Cela signifie qu’il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine par la décarbonisation.

Et puisque les écosystèmes emmagasinent le carbone, il faut également éviter la libération du carbone contenu dans la nature en empêchant la détérioration et la destruction des écosystèmes riches en carbone comme les tourbières et les forêts.

Nous devons protéger ces lieux non seulement du développement, mais aussi des futurs incendies. Cela veut dire que nous devons changer notre façon de gérer les forêts afin de promouvoir la résilience et, enfin, que nous devons augmenter la séquestration du carbone dans la nature en restaurant les terres déjà converties ou endommagées.

C’est cette solution que je souhaite explorer avec vous, car la technologie a un potentiel énorme pour transformer la façon dont nous effectuons ce travail.

Laissez-moi vous parler des efforts de la Secwepemcúl’ecw Restoration and Stewardship Society pour reboiser Elephant Hill.

Burned trees from a wildfire in BC
Des arbres brûlés par l’incendie d’Elephant Hill, sur le territoire de Secwépemc. © SRSS

C’est une zone de près de 200 000 hectares du territoire Secwépemc situé près de Kamloops, en C.-B., qui a brulé pendant trois mois en 2017. Les conséquences de cet incendie ont été dévastatrices pour les membres de la communauté. Plusieurs personnes ont perdu leur maison, et les paysages environnants ont changé à jamais en raison de l’érosion et des glissements de terrain qui ont suivi l’incendie, amplifiant la menace qui pesait sur l’habitat déjà fragilisé du saumon.

Au lieu de reboiser selon l’approche standard de la sylviculture moderne qui priorise les conifères à forte valeur économique, la communauté a défini sa propre approche, fondée sur ses valeurs et ses connaissances autochtones, qui priorise la résilience et la biodiversité.

Ses membres ont planté des arbres à feuilles caduques, qui résistent mieux au feu! Il.elle.s ont priorisé la plantation d’un sous-étage sous le couvert forestier. Il.elle.s ont également mesuré et surveillé les quantités de carbone encore présent dans leurs écosystèmes (et son évolution au fil du temps) afin de valider leur approche et d’attirer de nouveaux investissements pour soutenir leurs efforts de restauration.

C’est ici que la technologie entre en jeu. Auparavant, la mesure et le suivi du carbone dans la nature étaient des processus très couteux et longs, ce qui rendait très difficile d’évaluer correctement la situation « avant et après » et impossible de déterminer l’évolution des niveaux de carbone en réaction aux efforts de conservation.

Nous avions besoin d’une approche peu couteuse, efficace et accessible pour mesurer le carbone dans la nature. Le WWF-Canada a donc créé le Défi techno nature x carbone dans le but de trouver les outils nécessaires à la mise en place de solutions climatiques basées sur la nature. Aujourd’hui, une des entreprises lauréates travaille de concert avec la SRSS pour aider à valider ses efforts.

Innovatree Carbon Group Ltd. a créé un logiciel fondé sur les données LiDAR et l’apprentissage automatique pour calculer les quantités de carbone présentes dans la biomasse forestière. Cette technologie fournit des renseignements qui peuvent être réduits à l’échelle d’un seul arbre.

Et ce niveau d’informations détaillées est important puisqu’il existe une tonne de variables en matière de séquestration du carbone.

Visualisez à nouveau cette forêt désordonnée. Les arbres poussent à différents rythmes et même ceux qui sont côte à côte peuvent bénéficier de différents niveaux d’ombre et d’humidité. Une analyse plus approfondie permet d’atteindre un plus haut niveau de précision et d’exactitude. Elle peut également nous indiquer si ces arbres survivent après la restauration.

Two people planting trees in a burned-out forest
Des travailleur.se.s replantent des arbres sur des terrains touchés par le feu en territoire Secwépemc © WWF-Canada

Vous vous demandez peut-être pourquoi nous devons nous préoccuper de la reforestation. Pourquoi les forêts ne se régénèrent pas d’elles-mêmes après un incendie?

Certain.e.s d’entre nous avons appris à l’école que la chaleur du feu force les cônes des conifères à s’ouvrir et que les semences qu’ils contiennent sont ensuite distribuées. Or, dans certains incendies actuels, la chaleur est telle qu’elle brûle le sol et les cônes, ne laissant aucune possibilité de croissance. Une aide au reboisement est nécessaire, et la technologie est déployée pour la rendre plus rapide, plus facile et moins couteuse.

Oui, il y a des choses inquiétantes qui se passent, mais j’ai de l’espoir, beaucoup d’espoir. Parce que nous avons des solutions et des possibilités. Il existe des exemples incroyables de technologies développées dans un but précis qui ont été adaptées pour servir un objectif différent, mais essentiel, pour la nature, les espèces et le climat.

La technologie est une pierre angulaire de la conservation, car elle nous aide à accroitre notre impact au-delà de nos rêves les plus fous. La technologie améliore les efforts de conservation.

Et comme nous pouvons le constater dans la région intérieure de la Colombie-Britannique, la technologie combinée au savoir autochtone modifie la manière dont nous pouvons travailler à la restauration de la nature une fois les feux éteints. »