Au-delà des cibles : Pleins feux sur le delta de la rivière Saskatchewan
Le rapport Au-delà des cibles du WWF-Canada propose un nouveau modèle pour l’établissement d’aires protégées et de conservation (APCA) au pays – un modèle qui priorise l’avancement des aires protégées et de conservation autochtones et les droits et titres autochtones, ainsi que les régions qui soutiennent des solutions basées sur la nature pour la biodiversité et le climat.
On y donne en exemple quatre APCA, dont le delta de la rivière Saskatchewan (Kitaskīnaw), un delta d’eau intérieure de 9706 km2, le plus grand d’Amérique du Nord.
Il est constitué d’une mosaïque de milieux humides, de lacs, de chenaux de rivière et de forêts et constitue un habitat vital pour des espèces, en plus de stocker plus de 949 mégatonnes de carbone dans sa biomasse végétale et ses sols jusqu’à un mètre de profondeur. Le delta fait vivre les peuples autochtones depuis plus de 7000 ans, mais la dégradation de l’habitat et la perte de biodiversité continues ont compromis le mode de vie de la communauté.
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En juin 2021, la Nation crie de Cumberland House a déclaré officiellement la protection du Kitaskīnaw en vertu du droit autochtone canadien. Ci-dessous, Nadina Gardiner de la Nation crie de Cumberland House nous fait part de sa perspective sur cette importante région. Tel que communiqué à Emily Henderson.
« Je m’appelle Nadina Gardiner et je suis membre de la Nation crie de Cumberland House et à ce titre, je défends le delta de la rivière Saskatchewan. La localité de Cumberland House a été fondée en communauté par la Compagnie de la Baie d’Hudson à cause de la richesse du territoire et du commerce de la fourrure. Nous étions des trappeur.se.s et des pêcheur.se.s et notre peuple se déplaçait à travers notre territoire au gré des saisons.
Cumberland House est situé dans le delta de la rivière Saskatchewan, qui est le plus grand delta intérieur en Amérique du Nord et le troisième plus grand au monde, avec ses 10 000 km2. En juin 2021, la Nation crie de Cumberland House a déclaré officiellement la protection du delta en vertu du droit autochtone et de notre juridiction en tant que Nation crie. De cette façon, quand les protections des lois et des processus fédéraux et provinciaux échouent, nous conservons encore la juridiction de ce territoire traditionnel – et nous nous sommes donné la mission de protéger cette région.
En ce moment, notre delta se meure et certaines personnes pensent que c’est parce que nous avons besoin d’eau, mais il ne s’agit pas seulement d’eau. Il s’agit du type d’eau dont nous avons besoin et du moment où nous en avons besoin. Il y a eu tellement de changement dans le débit depuis que des barrages harnachent la rivière Saskatchewan à plusieurs endroits en amont. Quand vous renversez ou changez complètement le débit d’une rivière, vous ne changez pas seulement le cours de cette rivière, vous changez le cours de tous les animaux, de toutes les espèces et de tout ce qui y vit.
Nous sonnons l’alarme à propos du delta depuis des années, bien avant mon temps. Il y a des personnes et des ainé.e.s avant moi qui ont tenté d’en faire connaitre la réalité. Savez-vous ce que sont les Everglades en Floride? Moi, je le sais. Tout le monde partout sur la planète les connait, et ils sont protégés. Mais personne ne connait le delta de la rivière Saskatchewan. Nous devons nous rendre compte que nous avons des droits, ici.
C’est une région tellement importante pour la sauvagine nicheuse et migratrice, dont certaines espèces voyagent jusqu’en Amérique du Sud. Nous ne sommes pas les seul.le.s à être affecté.e.s, cela affecte tout le monde au pays et au-delà de nos frontières. Même si vous ne considérez que la quantité de carbone que ces milieux humides capturent, vous verrez pourquoi il est si important de garder la région en santé et de l’entretenir, la restaurer et la revivifier pour qu’elle devienne une région qui séquestre le carbone au lieu d’en émettre. Cet enjeu est plus grand que notre communauté – nous avons besoin que tout le monde voie l’importance de cet écosystème.
Je pense que les gens voient cette connexion distincte entre notre culture et le territoire, et la façon dont ils s’arriment. Tout est connecté. Au cours des 10 à 15 dernières années, j’ai remarqué que nos voix se font plus fortes à mesure que nous avons continué de nous éduquer à propos de nos droits en tant que peuples autochtones.
Nous parlons beaucoup de réconciliation dans ce pays, et je crois nous avons en nous-même la capacité de nous réconcilier avec ce qui s’est passé, de nous tourner vers l’avant et de faire quelque chose avec cet enjeu. Les médias sociaux et la technologie jouent un grand rôle dans ce processus et c’est là que nous voyons ce qui se passe dans les communautés des autres Premières Nations. Je pense que de simplement voir ça nous donne la capacité de voir comment les autres protègent leur territoire. C’est comme un feu de broussailles. »