Calculer le carbone dans un écosystème, pour chaque arbre
Nous savons que la protection, la gestion et la restauration des habitats (qu’on appelle parfois « solutions climatiques basées sur la nature », ou SCBN) peuvent nous aider à combattre les dérèglements climatiques en réduisant les quantités de carbone présentes dans l’atmosphère.
Toutefois, tant que nous ne pourrons pas mesurer la quantité de carbone stockée dans la nature au fil du temps, nous ne saurons pas dans quels efforts de conservation investir, ni ceux à prioriser – de même que la direction à donner à ces actions – pour obtenir les plus grands bénéfices pour le climat.

Il existe déjà de nombreuses approches pour mesurer le carbone, mais elles fournissent bien souvent des données incomplètes, en plus d’être couteuses et/ou de nécessiter beaucoup de temps et de travail. C’est pour cette raison que le Défi techno nature x carbone du WWF-Canada a demandé à des universitaires, à des entrepreur.se.s et à des inventeur.rice.s de soumettre leurs technologies les moins couteuses, les plus innovantes et les plus accessibles pour mesurer le carbone dans la nature.
L’an dernier, nous avons annoncé l’octroi de trois contrats de 100 000 $ dans le cadre du défi afin que les lauréat·e·s puissent développer leur technologie. Le WWF-Canada a discuté avec Garrett Whitworth, directeur chez Innovatree Carbon Group Ltd, en Colombie-Britannique, pour en apprendre davantage sur la nouvelle technologie d’Innovatree qui aidera à estimer les quantités de carbone stockées dans les forêts.
Comment fonctionne votre technologie?
Le logiciel Innovatree s’appuie sur des données lidar (détection et télémétrie par ondes lumineuses) et sur l’apprentissage automatique pour mesurer le carbone stocké dans les forêts – pour chaque arbre.
Notre logiciel utilise des bases de données lidar accessibles, qu’elles soient publiques ou privées, provenant généralement d’avions, et un logiciel d’identification d’arbres individuels (ou troncs uniques) que nous avons développé. Une fois l’identification terminée, le logiciel utilise des équations allométriques validées à l’échelle nationale pour assigner une mesure de carbone à chaque arbre dans le paysage.
Les équations allométriques fournissent des estimations de biomasse totale – c’est-à-dire le volume de parties de l’arbre au-dessus de la terre comme les feuilles, les branches, etc. – fondées sur le diamètre à hauteur de poitrine (DHP), qui correspond à la largeur d’un arbre mesurée à 1,30 m du niveau du sol, et la hauteur totale.
Les données lidar sont associées à notre système d’identification par tronc unique, ce qui nous permet d’obtenir la hauteur de l’arbre, le couvert vertical au sol et le DHP estimé de l’arbre, que nous pouvons ajouter aux équations nationales pour produire une estimation du contenu en carbone de chaque arbre dans l’ensemble des écosystèmes forestiers.

Qu’est-ce qui rend la technologie accessible et facile d’utilisation?
Nous sommes basé.e.s en Colombie-Britannique et des ensembles de données lidar sont déjà accessibles publiquement pour de grandes parties de la province. De plus, le gouvernement s’est engagé à recueillir des données pour l’ensemble de la province au cours des cinq ou six prochaines années.
D’autres provinces au Canada, comme l’Alberta, de même que des pays européens disposent de données lidar pour tout leur territoire. L’utilisation de lidar est de plus en plus courante, en particulier compte tenu de l’importance du carbone forestier.
Les données sont accessibles et notre logiciel les convertit en mesures utilisables du point de vue du carbone forestier – il simplifie la compréhension des données et leur confère une valeur supplémentaire.
Où sera-t-elle utilisée?
Nous cherchons à croitre à l’extérieur de la Colombie-Britannique et dans d’autres régions de l’Amérique du Nord. Notre logiciel est en cours de validation pour qu’il puisse fonctionner dans des zones dont le type de forêt se rapproche de celui de l’hémisphère Nord, avec des conifères et des feuillus.
Quels avantages votre technologie offrira-t-elle dans la lutte contre les dérèglements climatiques?
Le principal avantage est la modélisation précise et à grande échelle du carbone pour le développement de projets. La technologie fournit un ensemble de données impartiales et vérifiables au secteur de la gestion forestière et des projets de carbone forestier. Cela permet une meilleure gestion des forêts, en particulier en ce qui a trait à la quantité de carbone éliminée lors de l’exploitation, ou encore à l’utilisation de méthodes d’exploitation plus durables, telles que l’exploitation partielle ou les activités d’atténuation des risques d’incendie en périphérie des communautés et des villages des Premières Nations.
Comment le Défi techno nature x carbone vous a-t-il aidé.e.s à réussir?

Le Défi nous a aidé.e.s d’une multitude de façons, notamment en nous donnant les moyens financiers de poursuivre le développement du logiciel et d’achever les étapes de validation requises sur le terrain. Notre logiciel ne s’appuie pas uniquement sur des données de télédétection : nous recueillons également des données de vérification au sol pour corriger les données produites par lidar. (La vérification au sol est un processus de contrôle des résultats de la modélisation par rapport à la réalité – dans ce cas, la forêt elle-même.)
Puisque les conditions de croissance diffèrent d’une région à l’autre et d’une essence d’arbre à une autre, nous sommes convaincu.e.s qu’il est nécessaire de recueillir des données de vérification au sol pour nous assurer que nous appliquons un facteur de correction, pertinent pour chacune des régions, au logiciel.
Grâce au Défi techno nature x carbone, nous avons obtenu du mentorat de Microsoft, ce qui nous a aidé.e.s à perfectionner le design de notre logiciel d’un point de vue de la visibilité.
Le financement obtenu et les relations établies dans la région grâce au WWF-Canada nous ont également permis de travailler à la validation de notre logiciel et de fournir des données à des communautés des Premières Nations au sujet des forêts à l’intérieur et en périphérie de leurs territoires.
À quoi l’avenir ressemble-t-il pour votre technologie?
Dans la deuxième phase du défi, nous passons de l’analyse des forêts intérieures à celle des forêts côtières. De là, nous sortirons probablement de la Colombie-Britannique pour l’Alberta et le reste du Canada et de l’Amérique du Nord.
Le défi a été une excellente occasion pour nous. En tant que petite entreprise axée sur la recherche et le développement, tout soutien, que ce soit sous forme de financement ou d’expertise, est vraiment bénéfique et nous aide à faire évoluer notre technologie plus rapidement.