Le Canada, pays d’océans, doit créer davantage d’aires marines protégées
Trois côtes océaniques, les plus longues côtes dans le monde, de riches océans à perte de vue, tel est le lien du Canada aux océans. Mais où se situe-t-on en ce qui a trait aux aires marines protégées (AMP) par rapport au reste du monde?
Au premier rang? Au dixième? Eh non, au centième sur les 172 nations recensées par le Protected Planet Report 2012. Et nous reculons de plus en plus. Nos amis de la Living Oceans Society ont calculé que le Canada a glissé du 66e rang (des 172 nations côtières signataires de la Convention pour la biodiversité) – soit un maigre 0,63 pour cent des eaux territoriales placées sous protection en 1990 – au 100e rang, avec une tout aussi maigre augmentation des aires protégées, qui représentaient 1,25 pour cent des eaux sous protection en 2010.
La plupart des pays accusent du retard en ce qui touche aux AMP par rapport aux territoires réservés aux parcs terrestres. Et quand le National Geographic se demande s’il est trop tard pour sauver nos océans, c’est que la situation est vraiment grave.
© Neil McDaniel / WWF-Canada
Le mont de mer Bowie, au large de la Colombie-Britannique, est l’un des monts de mer les plus riches sur le plan biologique, dans le Pacifique Nord-Est. La région est une Aire marine protégée (AMP) depuis le 21 avril 2008.
De fait, la portion de nos océans qui est protégée ne représente que 1,25 % de leur superficie totale, ce qui est très loin de l’objectif que s’était fixé la communauté internationale il y a quelques années, soit d’assurer d’ici 2020 la conservation – efficace et équitable – et la gestion de 10 % des zones marines dans le monde. À cet égard, l’Australie fait figure de pionnière en matière d’AMP.
Nous devons assurer la protection de nos espaces marins comme nous protégeons nos territoires sauvages – pour éviter la perte incontrôlée d’espèces, maintenir la biodiversité naturelle, maintenir le climat sous contrôle et entretenir la vitalité d’écosystèmes fonctionnels et vigoureux. Une espèce, ou un écosystème, qui disparait, c’est une perte irremplaçable.
Les AMP ont également une valeur économique, par le biais du tourisme, par exemple. De fait, dans une AMP assurant la protection d’habitats des baleines, l’observation des cétacés peut représenter une valeur de près de 2 milliards de dollars par année, selon une étude réalisée en 2010.
Les AMP peuvent également servir à protéger la valeur économique des activités de pêche. Or l’industrie de la pêche a grand besoin de se refaire – 85 pour cent des réserves halieutiques de la planète sont déjà exploitées à leur limite, voire surexploitées. Même en pratiquant ici une pêche selon des méthodes au-dessus de la moyenne, nos prises diminuent. Dans son rapport publié l’automne dernier, le Commissaire à l’environnement et au développement durable concluait qu’en 2009, le volume des prises des pêcheries canadiennes était de 41 % inférieur aux volumes maximums enregistrés à la fin des années 1980, et les valeurs au débarquement enregistrées en 2009 étaient parmi les plus faibles depuis 1984.
Cependant, l’industrie de la pêche est parfois sceptique face à ces avantages, et elle s’oppose souvent à la création d’AMP dont elle ne voit pas les avantages pour elle.
Heureusement, des études démontrent bien que la création d’AMP peut contribuer à la reconstruction d’une industrie de la pêche. D’ailleurs, un groupe d’auteurs influents a publié un modèle d’affaires pour AMP qui démontre de manière très convaincante comment la valeur de réserves marines (davantage de pêche et de tourisme) peut porter la valeur du territoire au-delà de ce qu’elle était avant la création de la réserve, et que les avantages économiques peuvent contrebalancer les coûts en aussi peu que cinq ans.
Une autre nouvelle étude publiée dans le magazine Nature Communication il y a quelques semaines résume bien la situation en affirmant que les zones marines protégées favorisent un meilleur rendement sans désavantager les pêcheurs. Cette étude s’est intéressée à une AMP d’Afrique du Sud créée il y a plus de 15 ans, et a constaté que les prises totales d’une variété courante de pageots ont commencé à augmenter un an après la création de l’AMP, et que rien ne permet d’établir que la création de l’AMP a entraîné une diminution des prises totales ni une augmentation des distances à parcourir par les bateaux de pêche. Cette étude fournit une preuve empirique précieuse de la hausse rapide des volumes de prises après l’implantation d’une AMP, et ce, sans inconvénient mesurable pour les pêcheurs.
Il y a plusieurs années que nous travaillons à la mise sur pied d’un véritable réseau d’AMP en Colombie-Britannique, et nous approchons du but. Les plans du Marine Planning Partnership et la stratégie d’AMP biorégionales C.-B.-Canada sont en plein essor, et le WWF-Canada fait partie des nombreux groupes qui travaillent à assurer la protection de monts de mer et de récifs d’éponges siliceuses uniques au monde, d’oiseaux marins couvrant de vastes distances, populations de baleines en reconstitution, colonies d’algues et de zostère marine, et autres espèces et habitats rares et menacés.
Allons, faisons en sorte qu’il se crée de nouvelles AMP. Un pour cent ce n’est vraiment pas suffisant!