Mesurer le carbone forestier en appuyant sur un bouton

Surveiller le carbone dans la nature nous permet de comprendre les effets que la protection, la gestion et la restauration d’habitats (autrement appelées les solutions climatiques basées sur la nature, ou SCBN) ont sur la réduction du carbone atmosphérique. Les approches actuelles sont couteuses, peu fiables et demandent beaucoup de temps et de travail. Le Défi techno nature x carbone du WWF-Canada a cherché à trouver des technologies de mesure du carbone moins couteuses et plus accessibles. 

Le Digital Forest Lab de l’Université Laval, à Québec, est l’un des trois récipiendaires d’une récompense de 100 000 $. Nous avons donc parlé au professeur associé Martin Béland à propos de la technologie de son équipe et de ce que signifie, pour son travail, de remporter le défi.

A man standing next to a technical instrument in the woods
Martin Béland © Jess Parker

Comment fonctionne votre technologie?

Il s’agit de développer des algorithmes et d’utiliser l’analyse de données pour estimer la biomasse aérienne des forêts. Notre technologie prend les données captées par des numériseurs lidars terrestres et les utilise pour générer des nuages de points 3D et des données correspondantes d’une forêt donnée.

Au début, c’était surtout utilisé pour observer les zones feuillues des forêts. Mais le lidar peut aussi estimer la biomasse du bois – soit le volume de bois. Les données sont collectées avec un instrument installé sur un trépied et qui fonctionne comme une caméra, mais au lieu de prendre une photo, il prend un nuage de points tridimensionnel – une description 3D – de la forêt qui l’entoure.

Après traitement, les données peuvent être utilisées pour produire une estimation exhaustive de la biomasse des arbres de la forêt étudiée. Connaitre la quantité de biomasse nous permet d’estimer combien de carbone il y a dans les troncs, dans les branches, puis dans les feuilles, pour ensuite donner une idée de sa distribution verticale. Ce type de données peut être utilisé par différent.e.s professionnel.le.s pour diverses applications. Au-delà de l’estimation des stocks de carbone, les données peuvent être utilisées pour étudier la relation entre la structure de la canopée et la biodiversité et prédire les microclimats forestiers dans un macroclimat en évolution.

Qu’est-ce qui rend cette technologie facile à utiliser?

Nous avons pensé que si nous pouvions traiter les données d’autres personnes, nous pourrions simplement envoyer aux gens un instrument extrêmement facile à utiliser sur le terrain. L’instrument que vous utilisez pour mesurer ressemble à un téléphone. Vous n’avez qu’à appuyer sur un bouton.

La partie difficile est le traitement des données. C’est le moment où le Digital Forest Lab arrive à la rescousse. Les communautés et les organisations envoient les données collectées sur le terrain à notre laboratoire, où un associé de recherche les traite et développe un rapport facile à interpréter sur les réserves de carbone. Ce processus permet aux personnes ayant une formation minimale de mesurer le carbone forestier.

Où sera utilisée votre technologie?

Une cabane à sucre dans une érablière du sud du Québec. © Steve Hamel

Pour le moment, le Digital Forest Lab prend des mesures dans des érablières au Québec, qui sont des forêts où l’on produit le sirop d’érable. L’industrie acéricole est grandement intéressée par l’étude de la séquestration du carbone, de la biodiversité et des effets de la biodiversité sur la productivité de ces forêts.

Nous travaillons aussi dans les forêts boréales de conifères avec des données préexistantes du Service canadien des forêts, particulièrement du parc national des Grands-Jardins, et des données de la Forêt Montmorency, qui elle est gérée par l’Université Laval, à Québec.

Dans les années à venir, nous aimerions étendre ce travail aux forêts anciennes de l’ouest du Canada, puisque les très grands arbres contiennent plus de biomasse et que les mesures directes de biomasse utilisant des méthodes destructives sont plus difficiles à appliquer à ces géants.

Quelles sortes d’avantages aura cette technologie dans un contexte de dérèglements climatiques?

La technologie vient complémenter la trousse d’outils des SCBN. L’idée est de regarder le rôle des forêts dans la séquestration de plus de carbone atmosphérique. Les gens peuvent avoir différents projets qui recherchent des façons d’augmenter la quantité de carbone emmagasiné dans les forêts et notre outil, en ce sens, représente une méthode pour mesurer avec précision la quantité de carbone emmagasiné.

De quelle façon le Défi techno nature x carbone vous a-t-il aidé à réussir?

Il nous a donné les ressources nécessaires pour recruter du personnel – un étudiant au doctorat et un associé de recherche – qui effectuent le travail. Le Défi les a aussi mis en contact avec les utilisateur.rice.s, ce qui nous est très utile.