L’interdiction de déversement dans les aires marines protégées est plus compliquée qu’elle n’y parait
Après plusieurs années de mobilisation, le WWF-Canada était heureux que le gouvernement fédéral établisse de nouvelles normes minimales pour les aires marines protégées fédérales (AMP) qui interdisent l’exploration pétrolière et gazière, l’exploitation minière, le chalutage de fond et le déversement.
C’était il y a deux ans.
Demandez au gouvernement canadien d’interdire tous les rejets dans les aires marines protégées.
Nous avons discuté avec Kim Dunn, notre spécialiste séniore pour la conservation marine, pour comprendre ce qu’il reste à concrétiser dans les AMP canadiennes.
En quoi consistent les aires marines protégées, et pourquoi sont-elles importantes pour la santé de l’océan?
Ce sont des zones marines qui sont protégées légalement, et c’est aussi un des mécanismes dont nous disposons pour préserver la biodiversité marine. Comme dans les parcs nationaux sur la terre ferme, les activités humaines sont plus strictement réglementées dans les AMP que dans les eaux environnantes, afin d’aider les espèces à se rétablir des impacts de ces activités, comme la pollution et la surpêche par exemple.
En fait, les AMP sont si importantes que le Canada s’est engagé à protéger 30 % de ses zones marines et côtières avant 2030! Mais d’ici à ce que nous ayons des normes minimales fermes en place, les APM ne pourront pas remplir leurs promesses.
La déclaration de normes minimales n’est que le début d’une démarche plus longue. À quelle étape en est-on?
Nous en sommes à surveiller comment le gouvernement définit ces normes et quelles sont les règles. Par exemple, à l’heure actuelle il n’y a pas de définition de ce que « interdiction de déversement » signifie dans le contexte des aires marines protégées, ou de comment cela sera mis en place et appliqué.
Pour s’assurer que les aires marines ne sont pas uniquement protégées sur papier, le WWF-Canada en appelle à une définition inclusive de la notion de déversement qui interdirait le rejet de toute substance nocive dans les AMP. Cela devrait inclure les eaux usées et les eaux grises, tant traitées que non traitées; les effluents des épurateurs, qui sont les eaux de lavage des filtres de gaz d’échappement de la combustion de mazout lourd; les déchets solides comme le plastique et autres déchets; ainsi que les hydrocarbures et leurs mélanges.
Peux-tu résumer comment les déversements affectent les espèces?
Nous savons que les déversements font des ravages sur l’environnement et posent des risques pour les espèces et les humains. Les rejets d’hydrocarbures sont difficiles à nettoyer et peuvent recouvrir les plumes des oiseaux et causer leur hypothermie. Les eaux grises des éviers, des cuisines, des douches et des machines à laver des navires peuvent contribuer à la prolifération des algues, à des zones mortes dans l’océan, en plus de contenir des microplastiques. Les eaux usées des toilettes peuvent causer la contamination des crustacés comestibles par des matières fécales.
De quelle ampleur est le problème des déversements dans les AMP?
À partir d’études régionales existantes, nous savons que les déversements posent un sérieux problème et que certaines industries y contribuent plus que d’autres. Une étude du WWF-Canada a constaté que 1,54 million de litres d’eaux grises ont été générés par les navires au large des côtes de la Colombie-Britannique en 2017, dont une majorité provenait des navires de croisière.
Nous travaillons actuellement à une recherche pancanadienne inédite sur les déversements qui nous donnera une idée encore plus précise des raisons pour lesquelles des normes strictes pour les AMP sont si importantes.
Nous ne pouvons dire d’une zone qu’elle est « protégée » si les rejets des navires de croisière ou commerciaux sont toujours permis, peu importe la quantité. Faites-vous entendre.