Pour une cohabitation pacifique de l’homme et de l’ours blanc
Je revenais chez moi après avoir participé au projet Narval dans l’île de Baffin. Le Projet de réduction du conflit ours blancs-humains est né d’un partenariat entre le gouvernement du Nunavut, le WWF, les principales collectivités de la région et certains chasseurs Inuits et propriétaires d’équipes de chiens de traîneau. Ce projet vise l’application et l’amélioration de diverses mesures devant réduire les interactions et les conflits (qui se soldent souvent par la perte de biens et de vies) découlant du fait que les ours blancs passent de plus longues périodes sur terre – et dans des conditions de stress intense – en raison du retrait de la banquise, et ce, de plus en plus longtemps pendant l’été et l’automne.
Donny Baker et ses chiens de traîneau (c) Pete Ewins/WWF-Canada
L’an dernier mon collègue Geoff York y était, et il a aidé à installer une clôture électrique à six fils autour de quelques-unes des équipes de chiens de traîneau enchaînés aux abords du village. Des contenants d’acier à l’épreuve des ours ont également été fournis pour que les chasseurs et les propriétaires de chiens puissent stocker la viande de phoque et de poisson; ces contenants permettent en outre de réduire les odeurs qui attirent les ours.
En octobre et novembre de l’an dernier, les participants locaux au projet se sont rendu compte que les piles solaires utilisées pour les clôtures ne gardaient pas leur charge une fois l’automne installé, et que les sacs de plastique virevoltant à travers la toundra près des villages provoquaient des courts-circuits; malheureusement, un des habitants a même perdu ses chiens, qui ont été attaqués par un ours qui avait franchi la barrière rendue inoffensive par un court-circuit.
J’ai passé un après-midi très instructif à visiter le site avec Donny Barker – un très brillant et énergique mécanicien de la communauté, passionné de courses de traîneaux et rêvant de faire (et de gagner) la course Hudson Bay Quest un de ces jours. Le WWF travaillera en collaboration avec lui et les autres propriétaires d’équipes de chiens pour fournir de meilleurs panneaux solaires et des piles de rechange, de manière à ce que d’ici quelques semaines, lorsque les ours se dirigeront en plus grand nombre vers le nord, ils ne puissent pas s’en prendre aux chiens.
Mais j’ai été frappé par la proximité de la décharge, si près des côtes – en plein sur le parcours des ours – et à 2 km à peine du village de quelque 3000 habitants. L’on a déjà vu jusqu’à 15 ours rôdant aux alentours de la décharge; cela m’a rappelé avec une certain tristesse la ville de Churchill il y a 20 ansLa décharge fumante d’Arviat (il n’y a pourtant aucune installation d’incinération à haute température ni d’exportation de déchets) est une invitation à venir se servir pour les ours polaires à 20 km à la ronde.
Le « quota » autorisé de chasse à l’ours blanc dans la région ouest de la baie d’Hudson a déjà été dépassé pour la saison estivale, soit depuis la mi-juillet. Tous les ours abattus l’ont été pour défendre des vies humaines et des biens le long des côtes. Les restes du crâne de l’un des jeunes ours abattus ont même été laissés à côté du bureau de l’agent de conservation local.
La cohabitation pacifique de l’homme et de l’ours blanc n’est pas chose faite.