Utiliser les satellites et l’IA pour aider les communautés à gérer leurs stocks de carbone
La nature séquestre et stocke le carbone dans ses plantes et son sol, alors nous savons que la protection, la gestion et la restauration de ces habitats naturels nous aident à combattre les dérèglements climatiques. Mais la tâche n’a pas toujours été facile pour mesurer les quantités de carbone stockées par la nature au fil du temps, afin que nous puissions prioriser les actions les plus efficaces aux endroits les plus pertinents.
Les approches adoptées jusqu’à présent sont couteuses, exigent beaucoup de travail et de temps, ou fournissent des données incomplètes. C’est pourquoi le Défi techno nature x carbone du WWF-Canada a accordé trois contrats de 100 000 $ pour le développement des technologies les moins couteuses, les plus innovantes et les plus accessibles qui permettent de mesurer le carbone dans la nature.
Korotu Technology, une des trois entreprises lauréates, aide les communautés à protéger les aires naturelles pour soutenir le climat et la biodiversité. Au moyen de capteurs optiques et de données satellites lidar (détection et télémétrie par ondes lumineuses), sa plateforme LandSteward surveille et mesure en permanence les forêts, les milieux humides et les prairies afin d’obtenir des estimations et de visualiser les cartes thermiques des stocks de carbone.
Le WWF-Canada s’est entretenu avec les cofondateur.rice.s de Korotu , les PDG Sean Rudd et Agata Rudd, qui contribuent à résoudre ce problème grâce à plus de 35 ans d’expérience dans les domaines de la technologie, de la finance et du développement durable.
À quoi sert votre technologie et comment fonctionne-t-elle?
Le produit sur lequel nous travaillons s’appelle LandSteward, du nom des personnes que nous espérons autonomiser dans de nombreuses sphères – celles qui pratiquent une gestion active sur le terrain, qu’il s’agisse de groupes autochtones, de municipalités, de particuliers ou d’entreprises dont la mission s’harmonise à la nôtre. Nous travaillons également auprès de groupes de conservation comme le WWF-Canada et de groupements agricoles d’exploitation en commun qui souhaitent gérer la terre, pour la production ou la conservation.
En bref, nous prenons des données satellites dans l’espace et nous les traitons à l’interne au moyen de notre propre intelligence artificielle (IA). De cette façon, nous tirons un sens de ces données et nous fournissons ensuite cette information aux gestionnaires des terres. Notre objectif général est de leur donner les moyens de mieux protéger ces terres qu’il.elle.s ne le font aujourd’hui. Une grande partie de ce travail contribue à répondre à des questions telles que : Quelle quantité de carbone cette forêt stocke-t-elle? Quel impact ont eu les tempêtes de vent, les feux incontrôlés et les autres perturbations? Quel effet les efforts de conservation ont-ils eu dans la région?
Qu’est-ce qui rend la technologie accessible et facile d’accès?
Nous avons beaucoup réfléchi aux sources de données disponibles, et bien que nous recueillions des données par la surveillance sur le terrain et les drones (qui sont importantes et peuvent jouer un rôle clé), nous avons priorisé les satellites en raison des données variées qu’ils permettent d’obtenir.
Nous avons choisi d’utiliser les satellites entre autres en raison de leur omniprésence en matière de couverture. Nous pouvons couvrir de vastes étendues spatiales, à intervalles de temps réguliers, et maintenir les couts de collecte des données à un niveau peu élevé.
L’autre élément auquel nous avons beaucoup réfléchi est l’expérience de l’utilisateur.rice. Nos utilisateur.rice.s n’ont pas besoin d’être des expert.e.s en technologie géospatiale. Notre design centré sur l’utilisateur.rice permet aux personnes d’obtenir très rapidement des résultats significatifs qu’elles peuvent partager avec d’autres.
La transparence et la crédibilité sont une autre priorité. Les algorithmes fondés sur l’IA sont parfois comme une boite noire, et il peut être difficile de dire d’où proviennent les données, et donc de faire confiance aux résultats. Notre technologie nous permet d’expliquer la provenance des données et les résultats obtenus.
Enfin, nous sommes conscient.e.s de l’importance de la propriété, du contrôle, de l’accès et de la possession des données pour plusieurs utilisateur.rice.s, y compris les groupes autochtones, et nous développons le logiciel de façon à permettre aux groupes d’utilisateur.ice.s de contrôler la manière dont les données sont consultables et utilisées.
Quels avantages votre technologie offrira-t-elle dans la lutte contre les dérèglements climatiques?
Le Canada abrite 9 % des forêts du monde entier, et ces forêts fournissent un endroit essentiel pour le stockage du carbone, de même qu’un habitat essentiel pour de nombreuses espèces, y compris le caribou.
La bonne gestion de ces forêts requiert d’en comprendre les changements d’état. La technologie de Korotu nous permet d’estimer la quantité de carbone stockée dans de très grandes zones, avec un haut taux de précision, sur une très courte période. Cela contribue à soutenir les décisions de gestion, notamment le choix des domaines dans lesquels concentrer les efforts de protection (telles que les forêts anciennes) tout en poursuivant l’exploitation d’autres forêts (comme pour la production locale de bois d’œuvre, par exemple).
Nous espérons que ces données seront incorporées à des décisions politiques, telles que l’ajout de zones à l’engagement « 30 x 30 » du Canada de protéger 30 % des terres et des eaux d’ici 2030.
Comment le Défi techno nature x carbone vous a-t-il aidé.e.s à réussir?
C’est merveilleux de travailler avec le WWF-Canada. Le défi est axé sur la validation de la technologie, notamment la précision des données et l’expérience de l’utilisateur.rice, et nous a donné un élan supplémentaire pour mettre ces deux éléments à l’avant-plan et effectuer le travail de validation afin de nous assurer d’obtenir la précision dont nous avons besoin.
Un deuxième avantage du défi est qu’il nous a permis de collaborer avec différents groupes. C’est vraiment utile qu’un groupe de conservation comme le WWF évalue la technologie et soit en mesure de nous dire qu’elle vaut la peine d’être examinée. En tant que petite entreprise, c’est inestimable.
À quoi l’avenir ressemble-t-il pour votre technologie?
Notre objectif avec cette technologie consiste à la rendre accessible à un large éventail d’utilisateur.rice.s. C’est une chose que nous cherchons à accomplir dans la prochaine année : offrir cet outil à davantage de communautés. Reconnaitre que les conditions locales varient et permettre aux utilisateur.rice.s d’entrer leurs propres données et de faire des ajustements en fonction de ce qu’ils.elles observent sur le terrain dans leurs forêts et leurs communautés : c’est un élément clé sur lequel nous travaillons également.